On a beaucoup parlé du film
On présentait, dans un grand cinéma de Montparnasse, un film montrant les Chinois sous leur aspect le plus laid et le plus cruel. Je m’en souviens fort bien. Ce film s’intitulait
Pendant que se déroulaient ces horreurs sur l’écran, j’étais très gêné à cause des autres spectateurs. J’avais honte de moi-même et sentais que mes voisins me regardaient. Je n’osais plus tourner la tête. L’inquiétude me faisait trembler. Comme j’étais assis dans un fauteuil, je me sentais comme piqué par des milliers d’aiguilles. J’ai voulu me sauver avant la fin du spectacle pour éviter un incident. Il pouvait m’arriver malheur dans cette foule. Je
Dans ces conditions, je dus rester jusqu’à la fin du spectacle. Je me demandais en sortant si la foule allait m’insulter. Que devrais-je
En sortant de la salle, je baissais la tête pour que l’on ne remarquât pas que j’étais Chinois. Tout de même, je sentais que l’on me jetait des regards de haine. Il me semble avoir entendu une voix de femme
Tout ce qui est bon, comme tout ce qui est mauvais, pénètre très facilement dans la simple tête de la
Enfin, je suis allé voir
Je suis certain que K. Hepburn a sérieusement étudié l’attitude d’une femme chinoise. Elle est parfaitement juste et même supérieure à Louise Rainer dans le film
Évidemment, avec le regard d’un Chinois, on trouve des erreurs inévitables. On voit, par exemple, un berger assis sur le dos d’un buffle, c’est un grand jeune homme qui joue de la flûte. Il m’a été très désagréable de voir cette scène. Tous ces jolis et ravissants paysages chinois gâchés par ce jeune homme.
Chez nous, en effet, on fait conduire le buffle par un enfant, et cela à partir d’environ huit ans. Des hommes sont rarement assis sur le buffle et jamais ne jouent de la flûte, cela n’existe pas. On voit très souvent cette adorable scène représentée sur des peintures chinoises. Ce n’est pas une imagination.
À cause de cette erreur, la jolie vallée chinoise est complètement abîmée. Bien sûr, un buffle, pour un Américain, est le plus fort animal domestique. Il peut abattre un tigre. Comment peut-on croire qu’il se laisse conduire par un
Le buffle n’est jamais féroce avec un humain, même si on le bat ou le tue. D’ailleurs, autrefois on ne le tuait pas. Car une loi le protégeait. On doit le laisser mourir selon sa nature, parce qu’il a travaillé pour nous et que nous nous nourrissons par lui. C’est une récompense donnée par le bon sentiment de l’esprit chinois.
Une seconde erreur m’a choqué énormément. Selon la tradition chinoise, le père a le droit de frapper son fils. Le fils doit absolument obéir, ne jamais faire un geste contre son père, même dans la classe inférieure. Or, quand le père Luig-Tan frappe son fils, celui-ci fait un geste contre son père, il lui dit même qu’il le tuera. C’est peut-être selon l’esprit américain. C’est possible chez les jeunes gens chinois modernes, mais jamais chez nos paysans. Grâce à cette obéissance, la Chine a pu garder en paix sa civilisation pendant 2.500 ans. Sans doute, un Européen doit être étonné de cette lâcheté. C’est peut-être pour cela que l’Europe a une guerre tous les vingt ans. Je parlerai de cette question une autre fois.
K. Hepburn, dans ce film, n’a pas un rôle tellement important. Les principaux rôles sont le vieux Luig-Tan et surtout la vieille mère, qui est la plus remarquable. Au moment où ils ont brûlé leur propre maison, elle reste immobile à la regarder, sanglotant, des larmes coulent sur son
Ces pauvres paysans chinois ont été bien courageux durant cette guerre affreuse. Ils ont transporté les plus lourdes machines sur leur dos. Des jours et des nuits, ils ont marché sans cesse, pour gagner à peine un bol de riz. C’est le vrai visage de la Chine, même en temps de paix.
Au moment où le film passait sur l’écran, pendant une scène terriblement cruelle, ma compagne m’a serré la main très fort. J’ai vu des larmes dans ses yeux. Elle a posé sa douce figure sur mon épaule. Elle m’a dit, d’une voix