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Outre le Salon d’Automne, le Grand-Palais contient une exposition de peinture, comprise entre le Salon Nautique et le Salon de la Gastronomie ; encadrée par la marine et la cuisine, cette exposition tient des deux, mais elle n’est ni chair, ni poisson...

On y voit des peintures d’une technique excellente et parfois—dans ses petites toiles—d’une composition bien ordonnée de M. Pierre Wagner, des œuvres de Mlles Jouclard dont on connaît le talent, de clars Maggy Monier, de remarquables natures-mortes de M. Corlin, de crémeuses esquisses de M. Henri Royer, un Port gai de M. Martin Sauvaigo, un Zo sage et plus construit que d’habitude, de bons Filiberti Delécluze, Warshansky, Auffray, un spirituel Alaux, toute une série de platitudes de MM. Bouisset, Maisset, Pellacq, Marcel Clément, Monnot qui démarque en tremblant le petit Joseph Baïl, Bouillard sous-Vivin (quel nom pour un village). Magne, Haffner, Marogiez et Phomasse (ô les primes de chez Potin avant la guerre !), Emiot et Berroneau dont Gagliardini obstrue la vue, et Forest, où, comme dirait à peu près Huro, « la tempête dans un pot de ripolin ».

M. Jean Joire modèle des chevaux aussi étriques que son art, et M. Colinet qui s’ajoute à la trop nombreuse suite de M. Injalbert.

Devant ces marines où les artistes essaient de faire mouvoir l’insaisissable mer, on comprend mieux le drame de l’impressionnisme tombé dans le commun... Ils ne verront donc jamais les « Sorties de secours » ?

Heureusement non loin de cette section on peut admirer quatre toiles importantes, inédites, de Jean-Julien Lemordant, les dernières qu’il aît pu faire en juillet 1914, avant de partir pour ce front où il devait perdre les yeux.

Peintes avec une fougue généreuse, rehaussées de vives couleurs elles ont outre leurs fortes qualités, une valeur très grande d’émotion. Mais quelle triste chose de penser que c’est un peintre maintenant aveugle qui réconcilie bien des gens avec la peinture !

Notre cher ami Serge a dit récemment ici tout le pittoresque des étonnantes pièces montées du Salon de la Gastronomie. Nous nous devons d’ajouter à son si spirituel et vivant article que ces pièces montées, bouquets de roses et chapeau 1900 de sucre filé, architectures de nougat, etc., rentrent dans le domaine de l’art populaire.

Et après les avoir goûtées du regard, nous nous demandons pourquoi une partie de l’exposition des Arts populaires, qui doit se tenir à Berne en 1934, ne serait pas réservée à cette production qui témoigne d’une ingéniosité rentrant bien dans le cadre de cette exposition.

On pourrait réunir là des choses aussi inouïes que celles qu’admirent M. Uhde, M. Florent Fels, d’autres encore.

Qu’en pense-t-on à l’Institut de coopération intellectuelle et à l’Office international des Musées qui organisent l’exposition de Berne ?

Qu’en pense aussi M. Henri Focillon ?

Il faut que les amateurs d’art aillent rue Bonaparte.

On y remarquera d’abord des peintures de M. Gimmi (1). Plus ce peintre avance dans la vie et plus sa sensibilité se fait intime et par là séduisante.

La nonchalance discrète de ses attitudes n’exclue en rien la justesse de sa touche, la maîtrise qu’il a et de son dessin et de sa couleur.

Ses nus, sa Femme se déshabillant surtout ses compositions, ses paysages, et jusqu’à ses natures-mortes, témoignent de son pur doigté, de ce doigté si réservé qui devrait servir de modèle à beaucoup et qui lui permet d’atteindre le sentiment le plus français dans ses Cavaliers à Scheveningen, d’une radieuse subtilité.

Une autre galerie de cette même rue (2) présente des sculptures de M. Ulrich Schoop, qui, sans dégrossir toutefois assez ses pierres, se montre sculpteur-né. Elle présente aussi des dessins au pinceau de M. Sanyu, dont l’abandon de l’esprit devant les formes, bien que rappelant par trop Matisse, n’est pas dépourvu de charme.

On y voit enfin des sanguines et des peintures très intéressantes de M. Zucker.

M. Zucker manie la sanguine remarquablement. Il ne lui ôte point son aspect gras et chaud, la met en valeur au contraire avec son estompe, et cela en dessinant avec un tempérament rare, une compréhension parfaite tant de ses modèles que de sa matière.

Il traite de même sa peinture, inspirée de Delacroix et de certains Renoir, mais d’où déborde une saisissante inquiétude.

L’Arménie lui a fourni des types bien faits pour son sens de la peinture, des sites curieusement tourmentés où son originalité se complait.

En ces œuvres l’intelligence ne dégage que la « chose picturale » et le peintre s’abandonne à elle. Delacroix lui-même procédait-il autrement ? Et Othon Friesz ? M. Jacques Zucker est donc un peintre dans toute l’acception du mot.

(1) Galerie Rodrigues-Henriques, 20, rue Bonaparte.

(2) Galerie des Editions Bonaparte, 12, rue Bonaparte.

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